samedi 30 mai 2015

Tanith Lee est morte

De Tanith Lee, décédée le 24 mai 2015, j'ai lu une douzaine de livres :

- Le Dit de la terre plate en 5 volumes
  
- Cyrion
- la trilogie de la Sorcière Blanche
- Tuer les morts
- Terre de lierre

 J'ai un souvenir diffus mais positif de la Sorcière Blanche et (surtout) de Cyrion. Par contre, si j'aurais du mal à raconter précisément Le Dit de la terre plate, je garde un très vif souvenir de mon plaisir et mon émerveillement a la lecture de ce cycle.
 Il faut dire que je n'ai aucune résistance critique vis a vis des auteurs capable d'écrire de façon poétique (c'est un mot certes qui veut dire tout et rien) tout en restant lisible et narrativement intéressant. Autrement dit, j'avais trouvé dans cette pentalogie un style magnifique, évocateur, pleins d'images et de sensations, servant une véritable histoire. Une sorte de mélange de Tolkien et des milles et une nuit.
Des évènements étranges se produisirent à Sheve à la même époque. Les lampes s'allumaient et brulaient sans pétrole; les bouchers racontaient des histoires de têtes qui parlaient et réprimandaient les abatteurs. Il arrivait qu'une femme se poudre le visage et le talc devenait noir comme la suie, ou bien il naissait un chevreau à cinq pattes, ou bien des poules pondaient des œufs en bois, ou bien les portes qui s'étaient toujours ouvertes vers l'intérieur s'ouvraient vers l'extérieur et l'eau qui coulait d'une fontaine publique jaillissait soudain dans les airs. Ce genre d'événements, naturellement, étaient dus à la présence de Chuz.

 C'est d'ailleurs la source d'un stress récurrent chez moi de ne plus savoir si j'ai encore ces cinq volumes dans ma bibliothèque. Ils devraient y être, mais cela fait trop longtemps que je ne les ai pas vus côte à côte...

Après, je n'ai lu Tanith Lee qu'en français, et je découvre qu'en fait il n'a été traduit que ses textes les plus anciens, faisant l'impasse sur les deux tiers de sa production : il manque notamment toute sa production des 20 dernières années. Je devrais sans doute la placer dans ma liste de lecture (aka le trou sans fond).
We've just lost someone I greatly admired as a person & writer. Terrible news, such a hard year for these departures. Tanith Lee, RIP.
— Guy Gavriel Kay (@guygavrielkay) May 26, 2015
Comme cela fait un peu longtemps que je l’ai lue, je vais approfondir plutôt sur, d'autres auteurs qui ont su allié écriture poétique et qualité narrative :
- Catherine L.Moore, et notamment Shambleau - peut-être un peu vieilli, mais quand même…
- de ce siècle, Catherynne M. Valente et son Orphan's Tale, que je n'ai pas fini, mais c'est moi qui suit en faute, j’ai préféré partir sur des oeuvres moins exigeantes. La structure (presque infiniment) imbriquée du récit est un peu déroutante (et pas forcément adapté à ma routine de lecture) mais en même temps c’est très pertinent.
 - et pour faire dans l'obscur, Rebecca Sean Borgstrom (maintenant Jenna K. Moran) l'auteur notamment de Nobilis. Dans la gamme Exalted, si elle a écrit des choses totalement injouable (par excès de style), il y a dans le supplément Games of divinity des passages (sur les Démons et l'Enfer particulier de cet univers) que je tiens parmi les textes les plus beaux écrites en jeu de rôles, tout en étant de grande valeur ludique.

vendredi 15 mai 2015

The Goblin Emperor, par Katherine Addison

Fils rejeté  (parce qu’à demi-gobelin) de la quatrième épouse (honnie) de l'empereur elfe, l'exil (pas doré) du jeune Maia est interrompu lorsqu'un accident de dirigeable entraîne la mort de l'empereur et des autres héritiers le place sur le trône. Il est donc envoyé de toute urgence à la capitale, pour devoir tenir un rôle pour lequel il a été bien insuffisamment formé.

Dans cet univers, on a donc des gobelins (plutôt basanés et trapus) et des elfes (plutôt élancés et pâles), mais clairement, l'auteure aurait pu se contenter de remplacer tout cela par des humains : j'imagine qu'elle a voulu éviter tout risque de parallèle douteux). On suit donc l'arrivée de cet héritier totalement impréparé, que cela soit de la façon de tenir une conversation en toutes circonstances ou comment mettre les bonnes distances avec ses gardes du corps. Il s'y connaît suffisamment par contre en histoire pour savoir que s'il abdique en faveur de son jeune neveu, la régence qui s'en suivrait a toutes les chances de finir en guerre civile dévastatrice.   Son devoir le contraint dont à affronter conventions sociales et intrigue de cour alors même que son éducation (assuré par un cousin violent et tourmenteur depuis la mort de sa mère lors de ses 8 ans) l'a laissé avec un gros manque de confiance en soi.

Je suis ambivalent sur ce livre. J'ai déjà eu énormément de problème avec le langage de ce livre, surtout la nomenclature des personnages. Ce qui me rassure, c'est que Georges RR Martin a relevé le même souci :
I confess, all those long complicated hard-to-pronounce hard-to-tell-apart names were giving me a headache after awhile
 . C’est d'autant plus gênant que comme il rajoute, il y a beaucoup de personnages :
Some readers complain that my own books have too many characters, and maybe they do... but I swear, THE GOBLIN EMPEROR seems to have just as many, in a book maybe a third the size of one of mine.
Très franchement, par moment, j'ai avancé à l'aveugle. plus très sur de savoir si ce personnage était la cousine, ou la demi-sœur, ou la nièce du héros.. Bon, j'aurai peut-être du commencé par l''appendice final expliquant les conventions de nom propre, mais ce n’est pas vraiment mon habitude partir par la fin (en plus, je dois reconnaître que sur une liseuse, sauter d’une page à une autre plus loin, ce n’est pas le plus simple).

Le protagoniste est plutôt sympathique, on suit ses pensées les plus intimes, et on le voit progresser avec intérêt dans la découverte de ce monde  nouveau pour lui, et pour nous. Je l'ai d'ailleurs trouvé un peu trop mature pour ses 18 ans à mon goût, mais bon « aux âmes bien nés »... Le monde est relativement peu décrit, on n’est pas loin d'un huis clos au palais, mais il est facile de percevoir que dans l'esprit d l'auteur il est complétement défini.



Au final, je suis partagé entre une intrigue plutôt plaisante (même si relativement peu surprenante au niveau de rôles de chaque personnage : je peux annoncer sans dévoiler que le chambellan est un intrigant, tellement c'est visible), un protagoniste attachant (par ses difficultés, et son côté clairement "gentil") et une ambiance générale positive (assez loin du grimdark : le nouvel empereur est clairement bienveillant et pour la justice (notamment sociale)), mais un style quand même assez lourd qui a nui à mon plaisir.


J'ai lu ce titre dans le cadre ma série "lisons les nominations aux Hugo". C’est le premier que je lis des nominations 2015, pour l’instant, ça n’est pas mon gagnant. Mais :
 -  je n’ai pas encore lu les autres nominés
 -  S’il y a une suite, je la lirai : le héros est plaisant et je suis curieux de voir comment il va continuer de régner au mieux.

Et le fait que je suis intéressé par une suite est bien le signe qu'au final, j'ai bien aimé !

mercredi 13 mai 2015

La série Ghost, par Johnatan Moeller


Caina Amalas est une jeune fille aimée de son père, un important noble de l'Empire de Nighmar, et honnie par sa mère qui n'a jamais pu devenir la magicienne qu'elle aurait voulu être. Quand sa vie est mise en pièce par la sorcellerie et le meurtre, et qu'elle n'échappe que de peu au sort de sacrifice humain, elle est recrutée (par défaut initialement) pour faire partie des Fantômes : une organisation secrète d'espions et d’assassins au service de l'Empereur,  luttant contre  sorciers maléfiques, mages ambitieux, et esclavagistes prêts à tout pour le profit.
She was a spy, not a soldier or a warrior, yet she kept finding herself in these damned battles.
Et c'est parti pour 14 (actuellement) volumes (chacun plutôt court, mais dense), réparti en deux séries, mais j'y reviendrais.

L'auteur nous présente un univers médiéval au fantastique assez restreint : pas d’orcs, d'elfes ou de nains. Par contre, on y trouvera des mages, des sorciers (qu'on différenciera par le fait que les Mages appartiennent à une guilde et obéissent (en théorie) aux lois de l'Empire), des ruines multi-millénaires (et quelques individus les ayant connus du temps de leur splendeur) , des démons ou entités issues du monde des esprits, des alchimistes capable de créer des drogues multipliant la force et rapidité de leurs gardes du corps), des Danseurs des Tempêtes qui utilisent leur affinité avec l'eau et le vent pour décupler leurs capacités physiques, des élémentaires incarnées, des malédictions anciennes, des psychopathes immortels ...

En face de ce catalogue,  on retrouve la jeune Caina, alors qu'elle n'a aucune capacités spéciales, à part une relative résistance à la possession, un entraînement poussé et complet (de l'art du combat à celui du théâtre), et de la ruse, beaucoup de ruse : sa devise pouvant être "se battre à la loyale, c'est perdre". Elle sait aussi être très convaincante pour se trouver des alliés (de convenance ou pour plus longtemps), un autre facteur lui permettant d'affronter, et de survivre, à des adversaires aux capacités inhumaines
And Caina realized that she could not defeat him. He was centuries old, and had spent all that time honing his skills with a blade. Worse, he simply shrugged off wounds that would have disabled or slowed another man. Sooner or later he would wear her down and land a killing blow.  Unless Caina did something clever first.
Le premier volume est surtout basé sur la genèse de Caina en tant que Fantôme : l'événement traumatique au départ de tout, son recrutement,  et sa première mission. Les huit volumes suivants constituent une série - en tant que roliste  je dirai presque une campagne - chaque volume étant indépendant, mais reliés ensemble par un fil rouge, qui va prendre de plus en plus d'importance, jusqu’à l'apothéose (ou l'apocalypse) du dernier live, qui clôt la série et le fil rouge. Pour l’héroïne, la série commence mal, et se termine durement.

La série suivante, en cours, voit notre fantôme sortir de l'empire pour se retrouver dans le califat voisin à devenir chef de la cellule clandestine. Par comparaison avec la première série, le fil conducteur est de suite plus visible (sans doute aussi qu'au tout premier roman, l'auteur ne devait pas prévoir d'écrire tous ces livres..), mais cela reste dans la même tonalité, en rajoutant un petit contexte arabisant.


Et quelle est donc cette tonalité ? Pour ma part, j'ai souvent eu l'impression d'un thriller medfan, une sorte de Tom Clancy (avec nettement moins de gadgets, et sans patriotisme). Chaque roman est en général une enquête, sur une situation particulière, par exemple :
- des mages annoncent avoir trouvé le moyen d'empêcher toute guerre, et convient dans leur cité des délégations de tous les royaumes pour leur en faire une démonstration.
- des gens sont retrouvés mystérieusement brûlés vifs dans une ville récemment conquise par l'empire
- de mystérieux assassins portent des artefacts venant d'une cité rendue inaccessible depuis des siècles par une malédiction implacable
- des esclavagistes sévissent dans une province éloignée

Et à chaque fois, Caina est envoyée en mission (enfin, parfois c'est la mission qui lui tombe dessus)  afin de protéger l'Empire (et les innocents), et châtier les coupables.

Très souvent, les menaces sont en fait anciennes, que cela soit un artefact dangereux, ou même des individus immortels mettant en exécution un plan de longue haleine. L'univers est décrit par petite touche, on est bien loin d'une encyclopédie, mais il se dessine au fur et à mesure en un tout cohérent, avec des aspects historiques, géopolitiques, mystiques qui lui donne une vraie profondeur. Le tout étant pimenté par des personnages haut en couleur, des scènes d'actions extrêmement bien écrites, et un angle espionnage / enquête assez rare.

Il me semble aussi que l'héroïne est très bien écrite, certes plus doués que la moyenne, mais en général surpassée sur le plan de la puissance pure par ses véritables opposants : je ne parles pas des sous-fifres, mais de ceux qui tirent la ficelle, qui ont tous en commun une immortalité plus ou moins fortes (de "je ne vieillis pas " à "si on me tue, je change de corps". Et encore, certains sbires la surclassent aussi physiquement, comme les Immortels, des soldats portant un casque en forme de tête de mort qui ne montrent d'eux que leurs yeux bleus étincelant, suite aux transformations alchimique qu'ils ont subis.
She could not match any one of them in a straight fight, but as both her teachers at the Vineyard and brutal experience had taught her, to fight fair was to lose. 
Au final, j'ai trouvé cela rafraîchissant. Le style est plaisant, et j'aime vraiment beaucoup ces oeuvres qui renouvellent le genre en  mélangeant de fantasy avec d'autres thèmes forts. Jusqu'ici, j'avais surtout (uniquement ?) lu des mélanges avec le polar / Noir, et là, cette imbrication avec le thriller, tout en restant essentiellement de la fantasy (notamment par la récurrence de l'idée de la Menace Ancienne), est une très bonne surprise. Et puis, comme toute bonne série, plus on avance dedans, plus on s'attache, et plus cela nous semble meilleur.

Trois petits mots sur l'auteur :
- il se définit comme Pulp Writer, et sans être un spécialiste, je trouve que cela se tient : c'est du vrai roman d'aventure (sans être simpliste).
- il a l'intelligence d'offrir gratuitement les premiers volumes  de ses sagas.
- il vend ses ebooks à un prix honnête (entre 3 et 4 $..), de l'avantage de l'auto-édition

vendredi 1 mai 2015

Seul sur Mars par Andy Weir


Seul sur Mars
C'est un livre qui faisait partie de ma pile a lire de GoodReads (qui contient 665 livres à ce jour), et en passant a la bibliothèque, je l'ai vu au rayon nouveauté. J'en ai donc profité.

On pourrait le décrire comme un remake de Robinson Crusoé, remis au goût du jour, et qui se passe sur la planète Mars. C'est très scientifique - on n'y trouveras pas de Vendredi, je vous préviens - sans être barbant. Pour résumé, suite à un accident malencontreux, un homme se retrouve isolé sur Mars, alors que le reste de son équipe est reparti prématurément vers la Terre. Seul espoir : la prochaine expédition arrive dans un peu moins de 4 ans. Premier souci : il a trois cents jours de nourriture devant lui. Première chance : on lui a laissé l'abri, et deux véhicules (ainsi que les clés USB de musiques et de séries TV emportées par ses collègues). Deuxième souci : c'est du disco, le survivant ne supporte pas le disco. Troisième souci : il n'a aucun moyen de communiquer avec la Terre, et vis-versa. Même si les satellites en orbite de Mars le surveillent, et ont permis à la NASA de savoir qu'il est la, vivant.

80% du livre est le récit a la première personne du naufragé, rédigé dans son journal presque intime, dans un style plutôt léger sur la forme, mais très précis niveau science. Cela alterne entre chronique de la vie courante (pour autant qu'on peut parler de vie courante dans le contexte..) et élaborations de plans, calculs de survie, et bricolages divers. Quelque part, cela m'a un petit peu fait pensé à Jules Verne, en nettement moins formel.
Les 20% restant sont principalement le récit (de façon plus conventionnelle) des tentatives de sauvetages lancé de la terre.
On a donc un thriller ou l'enjeu est la survie (nourriture, eau, oxygène, déplacement..), le tout basé sur la Science. Malgré les explications précises, c'est facile à lire, Mark (le naufragé) a beaucoup d'humour, parfois un peu noir, dans son écriture de journal.
Pour une fois, j'aimerais que les choses se passent comme prévu. Seulement une fois... Mars continue à essayer d'avoir ma peau.

C'est donc assez facile à lire, jamais rébarbatif malgré les explications techniques, et pleins de rebondissements. On se prend facilement à tourner page après page pour suivre les succès et les épreuves de Mark. Je n'irai surement pas voir le film de Ridley Scott prévu fin 2015 mais c'était une lecture haletante.

Incidemment, le titre anglais est "The martian", ce qui a un charme certain.

lundi 29 décembre 2014

L'empire des Damnés, par Laurent Chabin



Garance (déjà, il y a une dissonance par ce prénom - il ne s'agit pourtant pas d'une traduction) est une adolescente de 13 ans, appartenant au peuple des Damnées. La veille de son mariage forcé avec le vieux dégoutant Koulak (je ne suis plus tout a fait sur de l'orthographe, mais ce n'est pas loin - nous en reparlerons), son village de paysans faméliques est massacré par une troupe de cavaliers, des soldats barbares de l'empire. Elle s'échappe, et tombe prisonnière d'une sorte de mystique fou, bien introduit auprès de l'empereur car le seul capable de soigner son fils. Mais la révolte gronde en interne, alors que la guerre tonne à l'est.
Ils [Les maîtres] étaient beaux et nous étions laids. Toute notre beauté était partie chez eux avec le fruit de notre travail. Il ne nous restait que la faim et la souffrance.
Au début, j'ai cru y voir une espèce de Germinal fantasy.
La terre était littéralement éventrée, et de ses profondes blessures, des damnés faméliques, parmi lesquels des enfants, extrayaient de pesants paniers remplis de minerai
Je n'étais pas vraiment convaincu par l'ambiance mortifère et l'avalanche de problèmes et d'avanies sordides qui tombaient sur l’héroïne. Et puis, j'avais des petits signaux qui tintaient dans mon cerveau, jusqu’à ce que tout s'éclaire en voyant sur la couverture du second tome un petit autocollant "Inspiré de la révolution russe". Bon sang, mais c’est bien sur !, on retrouvait les Cosaques, les koulaks, Raspoutine, la Sibérie, Lénine exilé en Suisse, la révolte des marins, et sans doute bien d'autres éléments que je n'ai pas vus..
Cependant, cela ne m'a pas convaincu, au contraire. Avant de revenir sur ce que je pense spécifiquement de cette reprise historique par l'auteur, je dois dire que même sans cela, le ton excessivement misérabiliste du livre me posait problème. Et cela n'était pas parti pour s'améliorer. Voici les dernières lignes du premier tome :
Pourtant la suite des événements allaient tragiquement lui donner raison.
Même si je ne m'en étais pas encore rendu compte, la Terreur était déjà la.
Et les quatrièmes de couverture des deux autres volumes de la trilogie n’annonce rien de réjouissants...

Je pense aussi que d'avoir voulu transposer la révolution russe dans un univers en changeant presque uniquement les noms propres n'était pas une bonne idée. Je ne comprend pas en fait l'intention de l'auteur : si c'était pour écrire une histoire pendant la Révolution russe, ce n'était pas la peine de jeter par dessus un camouflage troué- on soupçonnerait presque l'écrivain de vouloir nous éblouir lourdement de son astuce ("regardez, je vais appeler les miséreux les Damnés, et pis le paysans riche s'appellera Koulak"). Un roman historique aurait été encore plus fort émotionnellement, et moins... trivial.
Je me suis interrogé un petit peu sur mon sentiment de rejet de ce livre à cause de son inspiration historique déguisée - pour moi - à tort. Parmi mes livres préférés, je compte 3 Guy Gavriel Kay, qui tous sont plus ou moins basés sur des faits historiques :
- A song for Arbonne : de loin inspiré par la croisade des cathares et/ou les conflits entre pays d'oc et d'oil, (mes références historiques se font lointaines)
- Tigane : avec une situation géopolitique bien inspirée de l'Italie de la renaissance aux multiples divisions.
- et surtout Lions Of Al-Rassan, une copie très proche de l’Espagne juste avant la Reconquista.
Et je n'y ai jamais ressenti le malaise que j'ai eu en lisant ce livre. Si le ton misérabiliste y est pour beaucoup - Kay est parfois dur, mais ne sombre pas dans le sordide -, peut-être aussi que la Révolution Russe est trop proche de nous, ainsi que ses conséquences.
Et puis, Kay reprend les contextes géopolitiques, mais pas l'histoire complète, à part peut-être Al-Rassan. Les personnages sont toujours au premier plan, et surtout, il ne les place pas en témoins d'un vraie-fausse Histoire. C'est peut-être cela, le plus dérangeant, tout les moments ou l'héroïne n'est que spectatrice, comme si on assistait a un cours d'histoire, mais en même temps, sans que cela soit assumé par l'auteur - pourquoi sinon rajouter cette dérisoire distanciation tendance fantasy ?
Enfin, clairement, Chabin n'a pas - à mon avis - le talent d'écriture de Kay.
Avec peut-être un peu moins de misérabilisme, ou alors tout simplement si cela avait été conçu et affirmé comme un roman historique, je pense que j'aurai eu un meilleur avis sur ce livre. Tel quel, je ne comprends pas l’intention de l’auteur, et je n’aime pas son résultat.

samedi 13 décembre 2014

Ashes of the Dead - Bucket of Blood, par Jake Miller


C'est du western, avec des zombies, un cimetière indien saccagé par un riche propriétaire minier qui se vengent par une malédiction - d’où des zombies, un cowboy solitaire sans nom qui a enterré sa femme, une tenancière de saloon au grand cœur - mais leur amour est impossible, il est trop solitaire.
En relisant ce que j'ai écrit ci-dessus, je me dis que même si en plus, ce n'est pas vraiment mon genre (et que je pensais initialement remonter mon avis pour ne pas pénaliser un livre dont je ne suis pas dans le lectorat cible) , c'est quand même assez mauvais.

 En effet, par expérience, je sais que si un livre est bon, il me plaira quelque soit son genre. La qualité intrinsèque transcende toujours un éventuel désintérêt pour le genre, le sujet, ou le thème d'un livre.

Et puis bon, il y avait des zombies ! (sous-entendu : cela partait bien)

Sans compter que bon (j'étais parti pour faire une critique en 3 lignes...), dans le même genre, j'ai bien aimé certaines oeuvres de Cherie Priest, notamment Boneshaker et Dreadnought, qui sont certes plus Steampunk que Western pur, mais reprennent pas mal des canons du genre - enfin, si on accepte que l'héroïne soit une femme..

Donc, non, je peux rester sans regret sur mon avis négatif.

mercredi 22 octobre 2014

La patience du diable par Maxime Chattam




Deux adolescents abattent les passagers d’un TGV. Lors de l’interception d’un go-fast, la gendarmerie ne mets pas de la main sur une cargaison de drogue, mais révèle un trafic de peaux humaines. Des gens sont découverts morts de peur. Alors que de plus en plus d’actes de violences aveugles frappent une France en crise, La lieutenante de gendarmerie Ludivine Vancker, hantée par les horreurs de sa précédente enquête, finit par se demander s’il n’y a pas un lien.
Ce qui est bien avec Chattam, c’est que c’est facile à lire, et aussi à critiquer (je me dis en pensant à ma critique en attente de Bel Dame Apocrypha, qui est autrement plus dure à écrire). Ca commence à cent à l’heure, comme d’habitude le style est fluide, les personnages (qu’on a vu dans un autre livre, que je n’ai pas lu) attachants, les 200 premières pages sont passionnantes. Et puis le rajout continuel de scènes de massacres m’a lassé : elles sont certes glauques et choquantes, et contribuent à l’ambiance générale, l’enquête, certes bien construite, n’est pas passionnante, et j’ai fini par décrocher.
J’ai cependant apprécié que l’enquête se passe en France, cela changeait par rapport à certains de ses livres précédents. On parle donc de la gendarmerie, et non du FBI, de la Courneuve plutôt que du Bronx, de l’ambiance en France actuellement (c’est clairement un roman de son époque).
La détresse croissante qui plombait la France comme la plupart des nations industrialisées depuis plusieurs années avait atteint son apogée avec la succession de coups d'éclat criminels sur lesquels Ludivine travaillait. Elle en était convaincue.
Il y a aussi quelques théories relativement intéressantes sur la place de la violence dans la société (de consommation) moderne.
Mais bon... j’ai surtout l’impression d’avoir déjà lu ce livre, et si la capacité de Chattam à écrire des thrillers efficaces est incontestable, j’ai besoin d’un peu plus d’originalité, de surprise. Le final était décevant, comme si l’auteur avait voulu tendre un piège au lecteur, et l’avait raté, ruinant tout son effet.
La forme est bonne, mais le fond laisse sur sa faim. Je vais quand même me procurer le livre précédent, la Conjuration Primitive, parce que les personnages sont sympathiques, et que j’espère que le « premier » (les deux livres ne me semblent pas vraiment liés) de la série sera plus surprenant.